Le changement de sexe à l’état civil doit être basé sur le principe de l’autodétermination ! C’est la seule façon de ne pas réduire le genre à une collection de stéréotypes sexistes.
Garantissant ainsi le droit au respect de la vie privée et familiale à toute personne, une telle modification entre dans les recommandations du Conseil de l’Europe. Or, en France, le changement de la mention de sexe dans les actes de l’état civil repose, d’une part, sur la preuve de sa transition sociale par la personne qui en fait la demande et, d’autre part, sur la décision du tribunal.
C’est donc l’occasion d’inviter la France à se mettre en conformité avec ses obligations internationales et de dire aux tribunaux : « Juge pas mon genre » !
« Prouver » au juge qu’on vit bien dans le sexe qui est le nôtre passe souvent par le fait de le convaincre que la personne a été soumise à des discriminations répétées parce qu’elle n’a pas les bons papiers.
Pour une personne trans sans changement de sexe à l’état civil, signer un contrat de travail ou de location, recevoir un colis, être contrôlé⋅e par la police ou dans les transports, aller chez le médecin, se marier… sont autant d’occasions d’être forcé⋅e à “dévoiler” sa transidentité et de subir des discriminations et des agressions.
Ces problèmes pèsent encore plus lourd sur les mineur⋅es et jeunes adultes, sur les personnes précaires, sur les personnes victimes de violences, à la rue, ou exilées. Rien ne justifie de conserver un système qui crée des discriminations.
La procédure actuelle est, dans le meilleur des cas, inutilement longue, obscure et complexe, mais aussi, parfois, humiliante et, de fait, décourageante. De nombreuses personnes n’entament pas les démarches pour ces raisons. De la constitution du dossier à la mise à jour effective de l’ensemble des actes de l’état civil, plus d’un an peut s’écouler.
Le changement de la mention du sexe dans les actes de l’état civil libre et gratuit, basé sur l’autodétermination, est un remède permettant de rendre cette procédure plus accessible et de réduire sa durée.
Qu’il s’agisse du droit de vote, de la possibilité de voyager hors des frontières nationales, de se marier et d’établir des liens de filiation sous leur vrai nom et genre… toutes ces démarches nécessitent la présentation d’une pièce d’identité. De nombreuses personnes trans ne peuvent donc y accéder simplement.
C’est d’ailleurs ce que relève l’ONU en 2022 s’agissant de l’accès à la vie politique pour les personnes trans. Pourtant, le droit de vote est présenté dans tous nos cours d’éducation civique comme un élément fondamental de la citoyenneté : il n’est pas acceptable que des citoyen⋅nes en soient privé⋅es.
Portugal, Irlande, Argentine, Brésil, Suisse, Belgique, Norvège, Espagne… tous ces pays ont déjà mis en place des mesures permettant l’autodétermination, certains depuis plus de 10 ans.
D’après un rapport de l’organisation Transgender Europe en 2022, les modèles basés sur l’autodétermination ne conduisent ni à une explosion des demandes “frivoles”, ni à une explosion des demandes frauduleuses, ni à une explosion des regrets.
Au contraire, cette mesure facilite la vie des personnes en transition, en détransition et en retransition, sans effets négatifs. Le seul cas remarquable qui “prouverait” les inquiétudes des activistes anti-trans : quelques cas marginaux de demandes frauduleuses en Espagne… réalisées par des activistes anti-trans et antiféministes eux-mêmes. La mesure a tellement peu d’effets pervers qu’ils sont obligés de les fabriquer eux-mêmes !
D’ailleurs, le Conseil de l’Europe estime que renoncer à l’autodétermination pour des raisons de sécurité et de prévention d’utilisations abusives est inefficace et disproportionné.
La procédure permettant le changement de prénom en mairie touche bien plus de monde chaque année que celle permettant le changement de la mention de sexe. Elle n’a pas conduit aux craintes que cause celle-ci : pas de cas notable d’usage pour échapper à des poursuites, par exemple.
Pour les personnes trans, cette différence des procédures conduit souvent au changement de prénom parfois longtemps avant celui de la mention de sexe, ce qui peut aggraver les discriminations dans certains cas.
Pour aller au plus simple, il suffira de placer les deux procédures sous le même régime, celui de l’autodétermination.
Ce, qu’une audience ait lieu ou non. Et pour cause : d’après les estimations du Ministère de la Justice, 99% des dossiers déposés finissent par être acceptés, tout simplement parce qu’il n’y a pas de demandes frauduleuses !
Il s’agit de plus d’une mesure favorisant l’égalité devant la loi : le bureau du Défenseur des Droits a souligné les problèmes causés par le traitement inégal des demandes selon les tribunaux.
La meilleure façon de régler ces inégalités, d’après les recommandations du Défenseur des Droits, c’est l’autodétermination.
Dans l’accès à la procédure comme lors de l’examen du dossier par les tribunaux, les discriminations sont nombreuses. Le manque de clarté dans les conditions et la nécessité de déposer un dossier écrit sont autant d’éléments qui font que cette procédure tend à accroître les discriminations déjà importantes pour les personnes trans et, encore plus, lorsqu’elles sont, pour diverses raisons, sujettes à des discriminations croisées.
S’ajoute à cela l’impératif abusif de production de preuves. Ce dernier soumet la personne faisant la demande à une appréciation arbitraire et obscure du tribunal desdites preuves pouvant, de surcroît, conduire au maintien de stéréotypes de genre et donc mener à des situations humiliantes.
C’est d’ailleurs en ce sens que le Conseil de l’Europe recommande la mise en place de procédures basées sur l’autodétermination et la suppression de celles pouvant constituer une barrière insurmontable.
Dès la composition du dossier, les personnes trans sont sommées de mettre en scène leur vie privée, leur intimité, leurs souffrances. Et pour celles qui sont convoquées devant le juge, l’humiliation ne s’arrête pas là : les juges reconnaissent bien volontiers que le seul but de ces audiences est de juger du sexe des personnes selon des critères complètement dépassés et bourrés de stéréotypes sexistes.
On attend des femmes trans qu’elles soient nécessairement maquillées, en robe, conformes aux stéréotypes les plus rétrogrades de la féminité, et des hommes qu’ils se présentent avec les cheveux bien courts et idéalement une grosse barbe pour prouver leur masculinité. Et ce véritable examen physique se passe en public, et donc au vu et au su de tous, du moins potentiellement.
La plupart des Français⋅es disposent d’ailleurs déjà d’une pièce d’identité sur laquelle elle ne figure pas : le permis de conduire, qui peut être présenté dans tous les cas où une pièce d’identité est demandée. La carte nationale d’identité ne la portait pas jusqu’à 1995.
Ce n’est pas une mention de sexe sur une pièce d’identité qui permet de reconnaître efficacement une personne, comme les personnes trans qui n’ont pas encore réalisé leur changement de sexe à l’état civil en font l’expérience tous les jours.
Quant à l’état civil, on peut se poser clairement la question : les protections liées au statut de femmes pourraient aussi bien être maintenues sans assigner une catégorie de sexe aux administré⋅es en toute circonstance. À terme, cette mesure est un premier pas vers la fin possible de ce classement.